C’est après la Grande guerre que l’on observe en Tunisie des partis politiques éclorent et dont plusieurs sont issus d’une matrice commune : le Parti Tunisien créé en 1919. Ce parti, issu du mouvement associatif « Jeunes Tunisiens », s’est caractérisé essentiellement, dès sa création par son aspect de parti d’élites. Or, ce qui a été à l’origine de son apparition, c’est principalement, sinon uniquement, la lutte contre l’occupant français pour l’amélioration du statut des Tunisiens ([1]). Cet objectif ne semblait pas pouvoir être atteint avec un tel parti. C’est un parti à même de mobiliser une grande masse de Tunisiens qu’il fallait. Cette nécessité d’ordre stratégique pousse bientôt les leaders du parti en question à opter pour la création d’un mouvement de masse qui regroupe en son sein tous les nationalistes tunisiens. Aussi, voit-on, dès le mois de mars 1919, émerger le Parti Libéral Constitutionnaliste Tunisien ( Parti Destourien ) sous la direction de Abdellaziz Thaalbi.
Le nouveau parti fut constitutionnaliste, car dans ses statuts apparaît sa revendication essentielle : la promulgation d’une Constitution destinée à garantir les droits fondamentaux des Tunisiens ([2]). Cette revendication va être à l’origine de plusieurs scissions au sein du parti. Ces scissions accouchent de trois nouvelles formations.
— Vers la fin de l’année 1921 apparaît le Parti Réformiste de Mohamed Naamane et Hassen Guellati. Les fondateurs du nouveau parti estimaient que les revendications du Destour étaient trop radicales pour être réalistes. C’est pourquoi, ils ont créé ce mouvement aux revendications plus tempérées.
— Toujours pour les mêmes motifs, la deuxième scission aboutit à la création d’un parti, cette fois-ci franchement loyaliste vis-à-vis de la France. Il s’agit du Parti Destourien indépendant, fondé en 1922 par Farhat Ben Ayed, Chedli Mourali et Taïeb Ben Aïssa.
— Enfin, la dernière scission fut la conséquence des dissensions portant sur les méthodes d’action du Parti Destourien. Ces dissensions au sein du P. D avaient provoqué une division entre les anciens, « archéo », de la commission exécutive du parti — tenants d’une politique prudente pour éviter la répression, notamment à l’issue de la promulgation des « décrets super-scélérats » ([3]) — et les nouveaux, « néos », du Bureau politique, tel Habib Bourguiba, tenants d’une action plus radicale malgré les risques encourus. Ces dissensions mènent au divorce entre les deux tendances lors du congrès extraordinaire de Ksar-Hellal, le 2 mars 1934. De ce divorce émerge le Néo-Destour (futur Parti Socialiste Destourien ).
Enfin, trois années après l’apparition du PSD, on voit le Parti Communiste Tunisien venir rallonger la liste des partis autochtones ( 1937 ).
Avant même l’indépendance, le Parti Réformiste disparaît, tout comme le Parti Destourien indépendant dont l’influence au sein du mouvement national fut quasi inexistante. Quant au Parti Destourien, ayant perdu son pari stratégique dans sa lutte pour l’indépendance, il disparaît, également, dès 1960. Enfin, s’agissant du Parti Néo-destourien, principal acteur de la dernière lutte ayant entraîné l’indépendance, il accède au pouvoir dès l’autonomie interne.
Au Maghreb, l’apparition des partis politiques durant l’époque coloniale avait obéit à une logique particulière. Nous sommes en présence de partis politiques d’un genre très particulier, au point que le vocable « parti politique » qualifiant les divers mouvements décrits paraît presque inadéquat. Car il s’agit là plutôt d’associations politiques composées de nationalistes qui n’avaient d’autre choix que la lutte sous cette forme partisane afin de renégocier le statut de leurs territoires. Tous ses mouvements traduisaient par conséquent l’expression organisée de la lutte pour l’indépendance dans le cadre d’un ordre politique colonial ouvertement contesté. Ces mêmes mouvements visaient, non pas la conquête du pouvoir mais la reconquête territoriale de leurs patries. Il s’agissait là d’un mode d’action qui cherchait, grâce aux moyens politiques disponibles, à transformer l’ordre politique fondamental en se le réappropriant et non à y collaborer, si ce n’est en vue de cet objectif. Ainsi, l’idée-force de ces « partis » était le nationalisme libérateur dénué de tout autre contenu. À partir des années 1940 et plus particulièrement des années cinquante, il n’y avait d’autre leitmotiv que l’indépendance. Point de programmes si ce n’est tout ce qui pouvait rassembler même par la force. En Tunisie, écrit l’universitaire tunisien Moustapha Kraiem, « les partis destouriens n’hésitèrent point à user de la violence pour supprimer, par tous les moyens, les concurrents et les rivaux éventuels. À ce sujet, nous avons l’impression, avec l’écoulement du temps, d’assister à une véritable escalade de la violence pour traduire dans la réalité la volonté hégémonique des partis nationalistes » ([4]).
Avant même l’indépendance, il est symptomatique de constater que le renforcement des partis politiques qui exerceront un rôle majeur à l’issue de celle-ci, s’est accompagné d’une lutte sans merci à l’égard des partis rivaux. Le départ du colon, tout en engendrant la fin de la fonction libératrice des partis maghrébins, va s’accompagner de l’amplification de cette lutte. Et à peine la souveraineté retrouvée, on assiste à un processus systématique de démantèlement du multipartisme ; se soldant, au Maroc, par une stratégie de marginalisation des partis politiques par le trône chérifien, par l’accaparement du pouvoir en Algérie au profit de l’armée et du F. L. N et par un monopole quasi total du P. S. D puis du R. C. D en Tunisie.
À l’indépendance, la Constitution tunisienne, contrairement à la Constitution chérifienne, n’a pas expressément mentionné le multipartisme, ni, comme la Constitution algérienne, institué un parti unique. Cependant, elle a implicitement prévu le pluripartisme par des dispositions libérales garantissant les libertés publiques indispensables à son exercice, tel l’article 8 qui dispose que « les libertés d’opinion, d’expression, de presse, de publication, de réunion et d’association sont garanties et exercées dans les conditions définies par la loi ».
Or, malgré cela, et en contradiction avec l’esprit et la lettre de la loi fondamentale tunisienne, le pouvoir bourguibien supprimera le multipartisme de 1963 à 1981 ( I ). Puis, à partir de l’année 1981, il procédera à un pseudo rétablissement ( II ) ; lequel ne sera pas, dans les faits, foncièrement différent du « renouveau démocratique » de « l’ère nouvelle » de l’actuel président Ben Ali ( III ).
I. — 1963-1981, le démantèlement du multipartisme
À l’issue de l’indépendance, la volonté affichée des dirigeants tunisiens dissimulait une future suppression du multipartisme ([5]). Quelques semaines après ladite indépendance ( 20 mars 1956 ), Habib Bourguiba, fidèle à son discours de l’époque coloniale, rappelait à ce sujet : « nous acceptons volontiers l’opposition et nous reconnaissons ses droits, car elle est une condition essentielle de la liberté et de la démocratie »([6]). Et, quelques années plus tard, il confirmait : « Il n’y a dans ce pays ni régime policier, ni contrainte, ni répression. Pas plus qu’il n’y a de tentative d’endormir l’opinion ou de conditionnement des esprits. Une opposition existe aux deux extrêmes avec le Parti Communiste d’une part, le vieux Destour de l’autre » ([7]).
Nous avons déjà signalé plus haut, qu’avant même l’indépendance, le Parti Réformiste disparaîtra, tout comme le Parti Destourien indépendant dont l’influence au sein du mouvement national sera quasi inexistante. S’agissant du Parti Destourien, il survivra, tant bien que mal, jusqu’au début des années 1960. En somme, en face du Parti Néo-destourien, c’est le Parti Communiste tunisien qui, par sa présence, résistera le plus aux prétentions monopolistiques du parti de H. Bourguiba. Mais cette résistance s’achève le 8 janvier 1963 date à laquelle est suspendu le PCT sur la base de la loi du 7 novembre 1959 relative aux associations ([8]).
Cette loi, élaborée sous une forme décrétale, sera promulguée, comme l’a démontré Daly Jazi, dans des conditions troublantes. Rappelons qu’avant l’indépendance, les associations, y compris les associations à caractère politique étaient régies par le décret beylical du 15 août 1936, lequel était assez libéral dans l’ensemble, puisqu’il permettait aux associations de se constituer sans autorisation préalable ([9]). À l’issue de l’autonomie interne (3 juin 1955), et pendant la période transitoire précédant la promulgation d’une Constitution, le pouvoir exécutif était habilité à légiférer par voie décrétale. Cette prérogative inhérente à l’organisation provisoire des pouvoirs publics prenait fin le 8 novembre 1959, jour de l’élection du président de la République et de la première Assemblée nationale ([10]).
Or, pour permettre la soustraction de certaines lois — et notamment de celle sur les associations — à la procédure législative, le calendrier de la présidence de la République semble s’être bloqué pour de longues semaines encore sur la date du 7 novembre 1959. En effet, et bien que la loi relative aux associations sera — plus que vraisemblablement — élaborée au mois de décembre 1959 et promulguée par le journal officiel du 22 du même mois, le nouveau président de la République écartera tout débat parlementaire à son propos en l’antidatant au 7 novembre 1959 ([11]). Et l’on comprend mieux les mobiles de cette manœuvre lorsqu’on constate que cette loi, outre son opposition flagrante à la Constitution, marque un net recul par rapport au décret beylical du 15 août 1936 ; puisque, désormais, selon son article quatre, toute « […] association ne peut légalement exister qu’après visa de ses statuts par le Secrétaire d’État à l’intérieur. Le silence de l’administration pendant quatre mois équivaut au refus du visa ». Par ailleurs, le même article précise que « le secrétaire d’État à l’intérieur dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser le visa ». De plus, le même secrétaire d’État peut en vertu de l’article 25 de la nouvelle loi dissoudre par arrêté « toute association dont les buts réels, l’activité ou les agissements se seraient révélés contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs […] ». Au demeurant, c’est sur la base de cet article que, le 6 janvier 1963, le P. C. T. sera, par décision administrative, interdit. Cette décision sera confirmée par une décision judiciaire le 23 janvier de la même année ([12]).
Après la suspension du Parti Communiste, le parti Néo-destourien ( devenant le Parti Socialiste Destourien ( P. S. D ) ) sera, durant les 19 années à venir le seul acteur légal sur la scène politique tunisienne. Il ne tolérera plus la moindre concurrence d’autorité. Même les autorités traditionnelles, les « Cheikhs » ( chefs locaux traditionnels ), ne pouvant être éliminées, seront, faute de mieux, intégrées à l’appareil du parti unique ([13]). Ainsi, quelques années seulement suffiront au pouvoir Néo-destourien pour asseoir un monopole total sur la vie politique tunisienne. Même la puissante centrale syndicale, l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens ( U. G. T. T. ), qui tentera, pour un temps, de tenir tête au pouvoir, sera, à l’issue de la grave crise syndicale de 1978 — débouchant sur plus d’une centaine de morts — récupérée par le parti unique pour devenir une de ses organisations satellites ([14]).
Ce monopole, quoi qu’il en soit, n’empêchera pas l’apparition de nouveaux figurants incarnés par divers mouvements d’opposition clandestins, tels :
– Le Mouvement de l’Unité Populaire ( I ) ( M. U. P. I )
– Le Mouvement de l’Unité Populaire ( II ) ( M. U. P. II )
– Le Mouvement de la Tendance Islamique ( M.T.I )
– Le Mouvement des Démocrates Socialistes ( M. D. S )
– Le Rassemblement nationaliste arabe de Tunisie ( R.N.A.T )
La pression exercée par tous ces mouvements, conjuguée, tant il est vrai, à l’arrivée au pouvoir du premier ministre M. Mzali, aboutira à un semblant d’ouverture. Une ouverture qui n’en demeure pas moins le produit d’un acte autoritariste du pouvoir.
II. — 1981, le rétablissement « autoritariste » du multipartisme
Dès son arrivée au pouvoir, le premier ministre Mohammed Mzali avait manifesté une certaine prédisposition en faveur du retour au pluralisme politique. Cette prédisposition du chef du gouvernement a été confirmée par un discours de Bourguiba lors du congrès extraordinaire du P. S. D le 10 avril 1981 ([15]).
Ce jour-là, le président de la République a affirmé dans son discours qu’il ne s’opposait pas à la coexistence de plusieurs partis au sein de la Chambre des députés. Pour concrétiser cette affirmation, une loi constitutionnelle fut promulguée le 9 septembre 1981, ayant pour objet l’organisation d’élections législatives anticipées. Un décret a complété cette loi fixant la date des élections au 1er novembre 1981.
A. — Les législatives anticipées de novembre 1981 : la comédie
À peine le premier ministre confirma-t-il les intentions du pouvoir relatives à une ouverture probable du régime, que de nouvelles formations de l’opposition clandestine s’empressèrent de déposer leurs demandes tendant à obtenir le visa légal. Elles sont allées ainsi grossir le rang des partis en quête de reconnaissance depuis des années déjà, tel le M. D. S. ([16]), ou en quête de la levée d’une suspension tel le P. C. T. Vers la fin du premier semestre 1981, au moins six dossiers de demande de visa s’empilaient sur le bureau du ministre de l’intérieur ; soit la demande :
– du Mouvement des Démocrates Socialistes ( M. D. S ) : adressée le 13 juin 1978 ;
– du Parti de l’Unité Populaire (I)( P. U. P ( I ) ) : adressée le 21 janvier 1981 ;
– du Rassemblement National arabe Indépendant ( R. N. A. I ) : adressée en février 1981 ;
– du Mouvement de la tendance Islamique ( M. T. I ) : adressée le 31 mai 1981 ;
– du Parti de l’Unité Populaire (II)( P. U. P ( II ) ) : adressée le 4 juin 1981.
– du P. C. T ( frappé de suspension ) et qui demandait la levée de la sanction qu’il subissait depuis de nombreuses années.
De tous ces mouvements, seul le P. C. T, après 19 ans de suspension, retrouve une existence légale et, ce, à l’issue de la « grâce » accordée par le président de la République le 18 juillet 1981.
Pour les autres formations, et bien que n’étant pas reconnues, elles pourront quand même participer à ces élections sous leurs propres listes. Et c’est à la suite du scrutin qu’elles pourraient obtenir leur visa légal ; à la condition cependant de recueillir, pour chacune d’entre elles, au moins 5 % des suffrages exprimés.
On imagine la suite.
Dès le départ deux formations ( M.T.I, P.U.P ( I)) ont boudé ces élections, les « considérant comme un faux semblant de démocratisation » ([17]). Quant aux autres, elles acceptèrent de jouer le jeu, en comptant sur le modeste espoir que le scénario qui allait se dérouler ne fût pas aussi désastreux qu’elles ne le craignaient.
Peine perdue, car outre les graves irrégularités de la campagne électorale, le jour du scrutin fut l’objet d’une série de faits désolants. L’opposition a reproché au « […] pouvoir [d’avoir] ni plus ni moins violé la loi électorale et la loi tout court » ([18]). C’est d’ailleurs pourquoi, elles ont décidé, alors que les opérations électorales étaient encore en cours, de se retirer « laissant au gouvernement toute la responsabilité du scrutin ». Et en réponse aux déclarations et à l’attitude de l’opposition, le ministre de l’intérieur Driss Guiga avait déclaré que : « depuis le début de la campagne électorale, l’opposition semblait chercher une mauvaise querelle. L’abandon du terrain [ par celle-ci ] ressemble fort à une manœuvre visant à mettre sur le compte de prétendues irrégularités le peu de voix qu’elle craignait obtenir » ([19]).
Par un retournement heureux -et non moins ironique- de l’Histoire, on apprendra plus tard que ce ministre de l’intérieur qui parle de manœuvres de l’opposition et de « prétendues irrégularités » avait, d’ores et déjà, reçu l’ordre de commettre des actes qui relèvent, le moins que l’on puisse dire, de l’organisation d’une farce électorale. Dans son pamphlet Lettre ouverte à Habib Bourguiba ([20]), le premier ministre de l’époque révèle la nature des ordres intimés à Driss Guiga. « Le ministre de l’intérieur, Driss Guiga, — écrit Mohamed Mzali — était venu la veille du scrutin [du 1er novembre 1981] me rendre visite[…]. Il feignit, devant moi, d’être désolé de ne pouvoir, comme je le lui avais demandé, respecter la légalité scrupuleuse du scrutin, même s’il devait résulter un succès des opposants qui remporteraient les suffrages nécessaires. Il m’a affirmé que le président l’avait convoqué — ce jour samedi — en compagnie de l’ancien Gouverneur de Tunis, Mhaddheb Rouissi, et lui avait ordonné « d’organiser » la victoire totale de toutes les listes du P. S. D et de donner des instructions dans ce sens aux gouverneurs ».
« Quand j’arrivais le lendemain à Tunis — poursuit le premier ministre disgracié — je fus mis devant le fait accompli. J’appris que le matin même entre 5 heures et 6 heures, un “ commando ” composé notamment de Messieurs Guiga, Rouissi… s’était rendu au siège du gouvernorat de Tunis et y avait trafiqué les résultats, accordant arbitrairement à la liste M. D. S, conduite par M. Mestiri 1700 voix! » ([21]).
À l’issue de ces manœuvres on imagine l’éloquence des résultats.
– Front National ( P. S. D, U. G. T. T )…………………. 94,60 %
– M. D. S …………………………………………………………. 03,28 %
– M. U. P………………………………………………………….. 00,81 %
– P. C. T……………………………………………………………. 00,35 %
Soit, au total, pour l’opposition 5,22 % ([22]).
Aucune formation de l’opposition n’ayant obtenu à elle seule plus de 5 % des voix ne sera, par conséquent, reconnue. En fin de compte, le Secrétaire général du P. C. T et celui du M. D. S qualifièrent ces élections d’ « énorme farce qui a provoqué colère, indignation, et frustration » ([23]).
Aussi, constate-t-on que si le régime de Bourguiba a bien voulu consentir à une élection qui verrait la participation des opposants, ce n’était pas pour encourager un processus démocratique, mais simplement pour exclure de la scène politique les formations d’opposition non reconnues. L’écart des opposants a eu lieu à l’aide d’une fraude scandaleuse des résultats qui avaient accordé en toute impunité moins de 5 % des voix à chacune des formations. Ce seuil n’ayant pas été atteint elles ne pouvaient donc se voir reconnaître in jure. Ainsi, le pouvoir présente son refus de légaliser les mouvements d’opposition, non comme une décision arbitraire, mais comme un choix de tout un peuple uni derrière H. Bourguiba et le P. S. D à 94,60 % !
L’absurdité de ces résultats n’a fait qu’aggraver les tensions. Et deux années plus tard, pour remédier un tant soit peu à l’aggravation rapide du climat social, le gouvernement Mzali a dû légaliser le M. D. S et le P. U. P ( II ). Cette légalisation, intervenue le 19 novembre 1983, ne sera en fait qu’une opération assez limitée dans le temps… destinée à calmer les tensions présentes. Car elle n’aura pas pour conséquences les effets escomptés sur le plan politique. Et les futures élections législatives du 2 novembre 1986 seront encore plus désolantes que celles de 1981.
B. — Les législatives de 1986 : la tragédie
Ayant désormais une existence légale, le P. C. T, le M. D. S et le M. U. P, vont devoir de plein droit participer à ces élections. Or, et malgré cela, le pouvoir ne désempare pas. Il jouit de tous les moyens, même illégaux, pour faire capoter une fois de plus le scrutin.
Pour le M. D. S, une belle occasion allait se présenter à H. Bourguiba pour écarter ce parti de la course aux élections. Le 16 avril 1986, Ahmed Mestiri, leader du M. D. S, avait pris, avec d’autres leaders de l’opposition, la direction d’une manifestation, dans les rues de Tunis, contre le bombardement de Tripoli et de Benghazi par l’aviation américaine. Une pareille manifestation de la part des Tunisiens semblait aller de soi. Car, abstraction faite de la politique extérieure du Colonel Kaddafi, cette manifestation relevait d’une obligation morale de soutien au peuple libyen face au bombardement américain qui a fait de nombreuses victimes ([24]). D’autant plus que le souvenir du bombardement israélien d’octobre 1985 sur le sol tunisien était encore vivace dans la mémoire des Tunisiens.
Mais, pour le président Bourguiba, c’était là une belle opportunité qui venait de se présenter pour éliminer A. Mestiri des élections législatives. Aussi, il ordonna à son ministre de la justice — rapporte M. Mzali — de « profiter de cette bévue » ( qu’était cette manifestation ) pour condamner A. Mestiri à une peine le privant de ses droits civiques. Et le 14 juin 1986, le secrétaire général du M. D. S fut condamné, en appel, à quatre mois de prison ferme. Le M. D. S solidaire de son chef, décida alors de boycotter le scrutin ([25]).
Le M. D. S éliminé de la course aux législatives, restait encore à se prémunir des autres opposants. Pour aboutir à cette fin, « dès le départ, tout le processus électoral fut faussé : arrestations de militants opposants, impossibilité de disposer des salles de réunion, et d’énormes tracasseries des autorités régionales. Selon le P. C. T les autorités auraient attendu la dernière minute pour recevoir les candidatures de l’opposition, afin de remettre en question certaines d’entre elles qui ne pouvaient plus être remplacées dans les délais impartis » ([26]). Tous ces facteurs ont fait que la totalité des formations de l’opposition ont, chacune à son tour, quitté la compétition électorale. La dernière à le faire fut le M. U. P qui a déclaré « refuser de cautionner une opération devenue purement formelle et se retire dans le souci de sauvegarder la crédibilité de l’acte électoral » ([27]).
Dans ces conditions, il ne resta plus au P. S. D que de remporter la totalité des sièges, face à une quinzaine d’indépendants. Pour certains journalistes, déjà que le scrutin de 1981 fût scandaleusement fraudé, il apparaîtra pourtant, par rapport au scrutin de 1986, comme étant « […] paradoxalement l’âge d’or de la démocratie tunisienne » ([28]). C’est dire combien les élections de 1986 étaient à des lieux d’une authentique volonté de transformer le mode d’exercice du pouvoir.
Cependant, et en dépit des échecs des élections de 1981 et de 1986, le régime tunisien venait d’entamer dès 1981, un tournant capital. À long terme, et au-delà des résultats négatifs des élections de novembre 1981, cette consultation fut un événement politique de grande envergure. Un processus, qui sera certainement long mais néanmoins irréversible, venait de s’enclencher. Depuis l’indépendance, c’était la première fois, qu’acculé, le régime faisait une aussi importante concession : le principe de la participation des opposants aux élections législatives.
Sur un plan purement politique, les chiffres officiels de ces élections furent d’un intérêt négligeable par rapport à la nouvelle dynamique qui venait de voir le jour. Ayant perdu une grande part de sa crédibilité, la déclaration du régime relative aux traditionnelles 100 % des voix qu’il prétendait frôler importe peu ; puisque tous les intéressés, y compris le pouvoir lui-même, apprenaient que ce scrutin mettait désormais un terme officiel à la légitimité des prétentions monopolistiques du P. S. D. Désormais, la clandestinité change de camp. Ce ne seront plus les partis de l’opposition qui œuvreront dans la clandestinité, mais c’est le régime qui, pour les empêcher de s’exprimer, de se développer et de prendre une place de plus en plus conséquente dans la vie politique, usera de tous les moyens clandestins pour demeurer, malgré le droit, un pouvoir hermétiquement clôt à la logique multipartisane.
De plus, tout au long de la campagne électorale, ces élections ont contribué à mettre en évidence le sentiment général du « ras-le-bol » de l’opinion publique vis-à-vis du mode d’exercice du pouvoir jusqu’à lors en vigueur. Si tout au long des années qui suivirent l’indépendance, le gouvernement a pu bénéficier des talents d’un orateur hors pair — Bourguiba — et de la crédulité de l’opinion publique pour faire admettre ses méthodes d’action, la fin des années soixante-dix mettait un terme à cet état de fait. Le discours n’était plus convaincant. De l’auditeur passif que fût le peuple, il est devenu le destinataire éclairé des propos du pouvoir. Les arguments ne passaient plus, la grogne s’amplifiait, la légitimité du pouvoir était mise à mal, l’opposition gagnait du terrain et le pouvoir se trouvait de plus en plus affaibli politiquement.
Les élections de novembre 1981 et le refus de l’ouverture marquent ainsi l’amorce de la transformation du régime bourguibien. Dorénavant, ce dernier ne se maintiendra plus, tel quel, que par la force et l’intimidation croissante. La popularité du régime, dont il a puisé sa force et sa remarquable stabilité par rapport au pays en voie de développement, avait entamé sa transformation en vestige du passé ([29]). Également, à partir de 1981, ce tournant du régime tunisien, le rapprochera du mode d’exercice du pouvoir au Maroc. Si au Maroc, depuis l’indépendance, la répression politique fut l’une des caractéristiques du pouvoir hassanien, en Tunisie, bien que cet aspect n’était pas absent, il était — sur la foi des rapports des organisations internationales des droits de l’Homme— sans rapport avec ce qui existait au sein du royaume chérifien. Cette différence s’explique notamment, par le besoin qu’avait éprouvé dès le départ le régime marocain de neutraliser, par la répression et l’intimidation, les moyens juridiques et institutionnels dont disposait l’opposition marocaine pour, sinon menacer l’ordre monarchique, contrarier, tout au moins, la volonté hégémonique du roi. Or, en Tunisie, le tournant de 1981, réhabilitant in jure le multipartisme, a octroyé de nouvelles ressources politiques à l’opposition pouvant mettre à mal, comme au Maroc, les gouvernants. Dès lors, et sans pour autant que cela puisse paraître paradoxal, la libéralisation institutionnelle du régime s’accompagne du développement des moyens clandestins et violents neutralisant cette libéralisation. D’autant plus, et en dehors du cercle restreint de l’élite, la répression politique n’est pas perçue comme une pratique insoutenable du régime. En effet, et bien que réprouvée ou, au meilleur des cas, perçue sous son aspect choquant, la répression ne suscite pas l’indignation générale mais la résignation par la crainte.
L’escalade, depuis 1981, de la violence institutionnelle en Tunisie est nettement perceptible ne serait-ce qu’au regard de la manière avec laquelle le pouvoir gère les élections de 1981, puis celles de 1986. Si en 1981 on s’est contenté des tracasseries administratives et des fraudes électorales, en 1986 il sera, on l’a vu, question de violences physiques et de condamnations pénales. Avec l’ère Ben Ali, fondamentalisme religieux aidant, la violence n’en sera qu’accentuée.
III. — 1987-2000, le multipartisme victime de la radicalisation sécuritaire de l’ère Ben Ali
L’accession de Ben Ali au pouvoir ne sera pas, dans un premier temps sans engendrer une lune de miel entre la nouvelle administration et l’opposition ( A ). Cependant, la lune de miel, comme souvent dans les liaisons artificielles, ne tardera pas à tourner en une lune de fiel ( B ).
A. — La lune de miel de la « nouvelle ère »
L’échec des législatives de 1986, conjugué à la sénilité de Bourguiba — avec ce que cela suppose en terme de déliquescence de l’autorité étatique — précipite la Tunisie dans un climat de violence et de tensions jusqu’à lors, et nonobstant la crise de 1978, inconnue. Celui qui fut successivement directeur de la sûreté nationale, ministre de l’intérieur, dernier premier ministre du « combattant suprême » avant sa destitution et membre du Comité central du parti au pouvoir, savait mieux que quiconque ce qu’il décrivait : « […] le parti au pouvoir était réduit au rang d’une milice, du reste impuissante, l’Université vivait une terrible paralysie et des centaines d’étudiants étaient enrôlés dans l’armée; les syndicats étaient démantelés et des partis politiques reconnus en théorie vivotaient dans l’intimidation, la presse d’opposition ou tout simplement indépendante était souvent muselée et les droits de l’Homme bafoués […] » ([30]) ( pourtant… )
Avec la destitution de Bourguiba en vertu de l’ancien article 57 de la Constitution, la Tunisie connaît une trêve politique tombant à point nommé pour éviter le pire. L’ampleur de l’état de grâce qui s’en suit est telle que probablement pour la première fois dans l’histoire des pays arabes, « il n’y avait — selon les déclarations de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme — plus aucun prisonnier d’opinion en Tunisie » ([31]). Par vagues successives des milliers de détenues sont graciés par le nouveau président de la République. Ce dernier ne manque plus aucune occasion pour rappeler le début d’une « ère nouvelle » qui sera caractérisée par l’attachement de la Tunisie au respect des droits de l’Homme et aux principes démocratiques ([32]). Cette nouvelle lune de miel avait également abouti à ce que « pour la première fois dans l’histoire moderne de la Tunisie, une année entière est passée sans qu’un livre — affirmait Ben Ali — ne soit interdit, un journal saisi pour délit d’opinion ou un tunisien arrêté à cause de ses idées ou ses convictions. Pour la première fois aussi dans l’histoire moderne de la Tunisie une année entière est passée sans que soit exécutée une seule condamnation à la peine capitale » ([33]). Au demeurant, le jour même de cette déclaration, le président avait annoncé une proposition de loi visant la suppression des travaux forcés. Enfin, le 25 janvier 1989, l’ex-général, l’ex-directeur de la sûreté nationale, l’ex-ministre de l’intérieur et l’ex-premier ministre se retrouve propulsé sous les projecteurs de l’actualité internationale relative aux droits de l’Homme en devenant le lauréat du Prix Louise Michel « Démocratie et droit de l’Homme ». Une agréable brise de liberté enveloppe alors les rues de Tunis, et pour bien marquer ce « renouveau » démocratique, le P. S. D. mue en un Rassemblement Constitutionnel Démocratique et rebaptise son principal organe de presse, « L’Action », en « Le Renouveau » — non sans avoir supprimé au passage le nom de son fondateur, Habib Bourguiba.
S’agissant des réformes envisagées, Ben Ali, dans sa déclaration du 7 novembre 1987, annonce la proposition prochaine d’ « […] un projet de loi sur les partis et un projet de loi sur la presse, susceptibles d’assurer une plus large participation à la construction de la Tunisie […] ». Et, le 3 mai 1988, effectivement, une loi organique relative aux partis politiques est promulguée ([34]), suivie, trois mois plus tard, d’un amendement, très en retrait, du Code de la presse de 1975. Enfin, des élections présidentielles et législatives sont également annoncées pour le 2 avril 1989.
Dans ce nouveau climat de détente, et afin de permettre à de nouvelles formations politiques de participer au scrutin prévu, la nouvelle administration a été assez prompte à accorder — sur la base de la nouvelle loi sur les partis politiques — le visa légal à trois nouveaux partis :
— Le Rassemblement Socialiste Progressiste ( R. S. P. ) ( demande de visa déposée le 19 novembre 1983 ; visa obtenu le 12 septembre 1988 ).
— Le Parti Social pour le Progrès ( P. S. P. ) ( demande de visa déposée le 26 juillet 1988 ; visa obtenu le 12 septembre 1988 ).
— L’Union Démocratique Unitaire ( U. D. U. ) ( demande de visa déposée le 15 novembre 1988 ; visa obtenu le 26 novembre 1988 ).
— Quant au Mouvement de la Tendance Islamique ( M. T. I. ), le visa de légalisation lui a toujours été refusé. Cependant, et malgré le refus de sa reconnaissance, il participera aux élections sur des listes indépendantes.
Élections qui marqueront, quoi qu’il en soit, la fin de la lune de miel de l’ère nouvelle. Car le renouveau n’en aura que l’air de la chanson et le changement qu’il amorcera sera sans substance.
B. — La lune de fiel du « nouvel air »
Pour tous ceux qui avaient espéré observer un tournant majeur dans la vie politique tunisienne, les élections tant présidentielles que législatives du 2 avril 1989, laissent un arrière-goût amer qui ne tardera pas à s’amplifier ultérieurement.
S’agissant des élections présidentielles, le pluralisme est demeuré un vain slogan. En guise d’élection, on assiste à un plébiscite d’une monotonie totale. Ben Ali ayant été le seul candidat à se présenter auxdites élections, avec l’aval des autres formations politiques (!), obtient — en termes de suffrages exprimés — 100 % des voix, 2 121 704 voix sur 2 121 704 voix ([35]).
S’agissant des législatives qui se sont déroulées au scrutin majoritaire à un tour, le même sentiment d’amertume prévaudra à l’issue de la proclamation des résultats. Les sept partis de l’opposition participants aux élections ( le M. D. S., le P. U. P., le R. S. P., le P. S. P., le P. C. T. et le M. T. I ([36]) ) ne remportent aucun siège. Autant dire que, avec 80, 48% des voix et de nombreux incidents électoraux, l’ex-parti unique demeure encore l’unique parti siégeant à la Chambre des députés ([37]).
Après l’état de grâce induit par l’accession au pouvoir de Ben Ali et les espoirs qu’elle suscita, la déception du 2 avril 1989 marque le retour à la « normalité politique ». Le malaise qui s’en est suivi fut à l’origine du boycott, par l’opposition, des municipales de juin 1990. Avec l’année 1991 et la découverte d’une « tentative de complot des fondamentalistes religieux » ([38]), la violence institutionnelle revient au goût du jour tout en s’intensifiant. Il faut dire qu’avec ce qui se passait chez le voisin algérien, le pouvoir détenait un argument sérieux pour justifier la dure répression qu’il mène à l’encontre de l’opposition religieuse et pour les besoins de laquelle les libertés publiques sont très gravement restreintes. Car, sous couvert de lutte contre l’intégrisme, l’opposition légale ainsi que leurs organes d’expression sont également mis sous étroite surveillance et, ce, non sans essuyer des actions répressives dès que leurs voix s’élevaient. Ainsi « […] des milliers de sympathisants [de diverses formations de gauche] — écrit Ignacio Ramonet — sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines […]. Désormais d’où qu’elle vienne la critique est considérée comme un délit politique » ([39]) Le successeur de Bourguiba, bien ancré au pouvoir, ne tolère plus ses contradicteurs. Du reste, au terme des élections présidentielles du 20 mars 1994, Ben Ali, lauréat du Prix Louise Michel « Démocratie et droit de l’Homme », incarcère Moncef Marzouki, pour avoir voulu se mesurer démocratiquement à lui ([40]). Et, de nouveau, le candidat unique est élu avec 99,91 % des votants.
Quant aux secondes législatives de l’ère Ben Ali, celles-ci, à peine ont-elles permis, le 20 mars 1994, de dégager à l’aide d’un mode de scrutin mixte — destiné à sauvegarder les apparences ([41])—, 19 sièges pour l’opposition ( 10 sièges pour le M. D. S., 4 sièges pour le Parti de la Rénovation ex-P. C.T ([42]), 3 sièges pour l’U. D. U et 2 sièges pour le P. U. P. ). Le Rassemblement Constitutionnel Démocratique, remporte, avec 97, 73% des suffrages, les 144 sièges restants.
La poignée de députés de l’opposition, leurs sympathisants, les partis dont ils sont issus et leurs organes de presses auront tous les droits sauf ceux qui sont de nature à faire reculer le titanesque R. C. D. Car faut-il préciser, dès l’année 1989 et jusqu’au début de 1991, avec les saisies, les suspensions administratives, les suspensions judiciaires et les condamnations aux lourdes amendes ([43]), tour à tour de nombreux organes de presse des partis politiques avaient disparu. Les difficultés financières induites par ces mesures étaient telles que les journaux comme « El Fajr » (organe du Parti Ennahdha, non reconnu.), « El Badil » (P. O. C. T), « El Watan » ( U. D. U ), « El Mawqaf » ( R. S. P ), « El Mostaqbal » ( M. D. S), « Et-Tarik El Jadid » ( P. C. T ) et « El Wahda » ( P. U. P ) -sans compter les journaux indépendants-, cessent de paraître dès le mois d’avril 1991 ([44]). Le pluralisme politique fut littéralement muselé au sens propre du terme. Les autorités tunisiennes se résignent alors, afin de sauver les apparences vis-à-vis de l’opinion publique internationale, à consentir des aides aux partis de l’opposition « parmi lesquelles l’octroi pour chacun d’entre eux d’une enveloppe de 80 000 dinars, dont 30 000 dinars [([45])] consacrés à la parution d’un journal » ([46]). On était loin de la période bourguibienne où malgré toutes les difficultés que connaissait la presse, certains auteurs pouvaient légitimement parler de « La renaissance de la presse périodique d’opposition en Tunisie » ([47]).
Enfin, depuis 1993 et 1994, outre les suspensions, la censure et les saisies, le harcèlement des différentes personnalités du monde journalistique et politique achève de réduire au silence les plus déterminés à s’exprimer. Dans ces conditions, et tel que l’indique le rapport du « Comité pour la protection des journalistes » de 1996, la grande sévérité des mesures tunisiennes parvient, par sa portée dissuasive, à institutionnaliser avec succès la meilleure forme de censure qui soit : l’autocensure.
Aujourd’hui en Tunisie, la situation est devenue telle que : partis politiques, leurs organes de presse, journalistes, hommes politiques et tous ceux, militants des droits de l’Homme compris, qui s’activent pour l’instauration d’une vraie démocratie sont muselés comme jamais cela n’aurait pu être imaginé même pendant les heures les plus sombres du régime de Habib Bourguiba.
Nous l’avons évoqué plus haut, lorsqu’un régime procède à des réformes politiques destinées à autoriser le multipartisme sans pour autant que la volonté de ses dirigeants ne se mette en diapason des réformes introduites, la répression politique est amenée à s’amplifier pour neutraliser toute éventuelle recomposition des forces politiques. Tant que le système politique est en mesure de supporter les tensions qu’induit cette répression et tant que les dirigeants sont à même de gérer avec plus ou moins de succès ces tensions, il est alors quasiment impensable que les détenteurs du pouvoir, ainsi que le parti dont ils sont issus, fassent la courte échelle à leurs rivaux potentiels. La règle, aussi cynique soit-elle, « pourquoi partager tant que l’on a l’assurance de pouvoir tout garder » prend tout son sens en politique où les bons sentiments n’ont pas leurs raisons d’être. De ce point de vue, le régime de Ben Ali semble maîtriser les moyens lui permettant de gouverner à sa manière, et, ce, en réprimant tous ceux qui sont susceptibles de menacer sa mainmise totale ainsi que celle de son parti sur le pouvoir. À ce jour, la maîtrise de Ben Ali est telle que même les personnalités les plus connues tant sur le plan national qu’international ne sont plus en mesure d’échapper aux persécutions. Le pouvoir de « l’artisan du renouveau » a suffisamment de ressources pour faire fi de toutes les dénonciations aussi importantes soient-elles relatives à « la dérive autoritaire et policière actuelle du régime tunisien […] » ([48]).
Conclusion
La facilité avec laquelle le multipartisme fut démantelé dans les trois pays du Maghreb, tout juste après l’indépendance, montre à l’évidence l’inexistence, à l’époque, des besoins de la société maghrébine à l’égard d’un mode de fonctionnement et d’organisation des pouvoirs qui s’appuie sur la démocratie. Par ailleurs, les enjeux au sortir de la décolonisation ne se situaient pas encore au niveau des alternances des équipes gouvernementales, mais au niveau des alternances des régimes politiques.
Les sociétés maghrébines, comme toute société, évoluent ; leurs besoins également, notamment en terme de libertés fondamentales et d’aspiration à une vie matérielle meilleure. Et ce sont ces mêmes besoins qui ont été à l’origine des revendications de plus en plus pressantes pour l’instauration d’une vraie démocratie. Mais, ces mêmes besoins demeurent, sans aucun doute, encore insuffisants pour engendrer un exercice normal du multipartisme au sein d’un ordre politique fondamental consensuel. Le processus engagé semble irréversible malgré sa lenteur. Cette lenteur, au passage, est essentiellement inhérente à la même lenteur du développement économique, lequel joue un rôle capital dans la « normalisation » des comportements au sein d’un modèle de société homogène.
De même, si la pratique du multipartisme dépend du contexte idéologique libéral et surtout de la stabilité et du consensus autour de l’ordre politique fondamental, il reste que des nuances doivent être apportées. Car, il existe divers degrés de ce qui peut être considéré comme pacifié et libéral. Le multipartisme dans ce cas, sert aussi à asseoir et à raffermir le libéralisme politique et contribue grandement, par les débats politiques qu’il instaure, à la formation des consensus nationaux. Aussi, faut-il envisager le multipartisme non pas comme étant simplement la conséquence de facteurs préconditionnels, mais comme étant par ailleurs lui-même un de ces facteurs nécessaires au développement de l’ensemble des éléments du système politique dans le sens libéral. Autrement dit, même si le développement des institutions politiques des pays maghrébins et leurs ordres politiques fondamentaux ne permettent pas encore une démocratie politique similaire à celles des pays occidentaux, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille tout faire pour ne pas favoriser son développement. Or, c’est le cas hélas actuellement au Maghreb et plus particulièrement en Tunisie, où l’on observe à la fois un cadre juridique du multipartisme contraignant et restrictif et, dans l’ensemble, un environnement institutionnel répressif du fait pluraliste. Tant est si bien qu’il n’est pas exagéré de dire que toute personne désireuse d’étudier le droit pénal de la Tunisie, plutôt que d’ouvrir le code pénal, il lui serait nettement plus avantageux d’aborder la législation relative aux libertés publiques. Elle y découvrirait une panoplie impressionnante de crimes, de délits, des peines de prison, des peines d’amendes et des interdictions de toute nature. Pire encore, car pour autant que ces textes soient répressifs, nous sommes à même d’affirmer que leur étude n’est pas en mesure de permettre une description fidèle de la réalité, tant celle-ci les dépasse.
L’ensemble des textes juridiques répressifs et l’étroitesse de l’accès des partis politiques aux médias n’incarnent pas les éléments dont souffre le plus gravement les partis politiques. Ils ne sont que la manifestation d’un élément plus important : la place, le rôle et la légitimité des partis politiques au sein du système institutionnel des nouveaux États maghrébins. Car quelles que soient les critiques que nous pouvons formuler à l’égard de toutes les entorses à la démocratie politique que nous pouvons constater, le multipartisme, tel que pratiqué au Maghreb n’est pourtant que le produit de la société dans son ensemble. L’état actuel de la pratique du multipartisme va, certes, évoluer, mais il ne tient qu’à la société civile elle-même d’en faire accélérer le processus ; et ce, en étant nettement plus exigeante avec elle-même avant de l’être avec ses gouvernants. Encore une fois, nous pouvons formuler une quantité infinie de reproches à l’égard des équipes gouvernantes, tant ces dernières usent et abusent de leurs monopoles politiques. Mais quels que fussent ces reproches, il n’en est pas moins vrai que ces régimes « fonctionnent » en raison de la collaboration à la fois active et passive de la société civile avec des gouvernants aux pouvoirs insatiables. Il faut, en effet, bien garder à l’esprit que la majorité des cadres grâce auxquels ces régimes fonctionnent -et particulièrement ceux recrutés ces quinze dernières années- avaient eux-mêmes, en leurs temps, été tellement prolixes en termes de critiques relatives aux fonctionnements autocratiques des régimes de leur pays. Nombreux sont ceux qui, hier encore dans les campus universitaires ou les syndicats, étaient les porte-voix des contestataires politiques et que nous voyons aujourd’hui avoir si bien réussit leur conversion dans les différents cercles du pouvoir. Nombreux également sont ceux qui ont laissé sur les rayons des bibliothèques universitaires de magnifiques thèses académiques sur la démocratie, l’État de droit et le multipartisme et que l’on retrouve aujourd’hui sur la liste des ministres ou des ambassadeurs maghrébins. Les anciens autocrates maghrébins ont cédé la place à une nouvelle race de dirigeants formée dans les meilleures universités, notamment occidentales pétrissant leurs auditeurs non seulement de savoir scientifique mais également de démocratie et des droits de l’Homme. Ce sont les mêmes que l’on retrouve aujourd’hui faire partie de gouvernements toujours aussi autocratiques. Y a-t-il paradoxe ? Non…. Il s’agit simplement d’un constat : Quels que soient les hommes à la tête de l’appareil gouvernant, celui-ci n’est guère qu’à l’image de la société qu’il gouverne.
Si une seule règle ne connaît point d’exception, c’est bien celle qui consisterait à affirmer que la démocratie authentique et viable ne se concède pas par les gouvernants. Aucun exemple dans l’histoire de l’humanité ne l’a encore contredite. La démocratie ne se concède pas parce que, en aucun cas, elle n’est un choix des gouvernants. Elle ne peut être qu’une exigence des gouvernés. Aucun chef d’État, passé ou présent, des démocraties occidentales n’a eu à concéder quoi que ce soit aux gouvernés. Au contraire même, car, tous, sans exception, et dans la mesure de leurs possibilités et des tolérances que permet le système politique, cherchent à utiliser leurs pouvoirs bien au-delà de ses contours légaux. Et, en affirmant cela, nous ne songeons pas tant à des agissements illégaux commis par certains chefs d’État, à l’image de ceux qui donnent lieu, de temps à autre, à des scandales ( Watergate, Irangate, écoutes téléphoniques, scandales financiers ([49])), mais à tous ceux, non moins graves, qui ne suscitent pas d’indignation particulière des gouvernés. Au sein des démocraties occidentales, lorsque le peuple tolère, pour quelque raison que ce soit, il n’est pas exceptionnel d’observer des actes dans la plus pure tradition patrimonialiste des « Républiques bananières » ([50]). C’est dire que la démocratie et le respect du droit qu’elle suppose ne sont pas à chercher du côté de ceux qui gouvernent, mais du côté de ceux pour qui l’on gouverne.
Parce que, enfin, la démocratie prend vie en chacun, c’est à chaque citoyen maghrébin que revient le devoir de la faire triompher. Il est donc vain d’exiger des gouvernants d’être respectueux du droit et des règles démocratiques, alors que ceux qu’ils gouvernent ne sont toujours pas disposés à renoncer aux passe-droits pour satisfaire des besoins aussi légitimes soient-ils. Le jour où les peuples maghrébins cesseront globalement d’avoir recours aux « petits services » de leurs dirigeants autocratiques, petits ou grands ; ce jour-là, alors, la véritable démocratie aura des chances de s’installer.
Riadh Guerfali, 2002.
Article également publié sous le pseudonyme de Mohammed Ali Ben Mehdi in Horizons maghrébins, n°46 : « Réalités tunisiennes : L’État de manque ; politique, économie, société, culture ». Toulouse, P.U.M. 2002, p. 12–27.
([1]) – La création du Parti Tunisien aura lieu à l’issue de plusieurs réunions entre les membres de l’association « Jeunes Tunisien » dans le but de créer un parti pour revendiquer une application stricte du traité du protectorat. Le respect de ce traité étant de nature à permettre le rétablissement des droits, entre autres, politiques des Tunisiens. Les deux dernières réunions ayant abouti à la création de ce parti ont eu lieu au « café de France » à Tunis, entre une soixantaine de Tunisiens, composés de musulmans et d’israélites. On trouve les revendications et le programme politique du Parti Tunisien dans le pamphlet « Tunisie Martyre » rédigé par Thaâlbi, Sakka et plusieurs autres « Jeunes tunisiens ».
À propos du programme contenu dans cet ouvrage, voir : Ali Mahjoubi : Les origines du Mouvement national en Tunisie. Tunis, 1982, publication de l’Université de Tunis, Vol. XXV, p. 206 à 215.
([2]) – Dans le statut du parti on y lit « Le but de ce parti est de délivrer la Tunisie du joug de l’esclavage afin que le peuple tunisien puisse jouir des droits et libertés dont jouissent tous les peuples libres […] ». Aussi « il faudrait particulièrement s’efforcer de créer une Constitution qui garantira à la nation tunisienne l’autonomie conformément aux principes d’équité approuvés et suivis par toutes les nations civilisées ». Cité par Ali Mahjoubi : Les origines du Mouvement national en Tunisie. Op. cit., p. 223.
([3]) – Décrets du 6 mai 1933 et du 27 mai 1933 relatifs à la mise sous surveillance des nationalistes tunisiens et à l’instauration d’un régime répressif à l’égard de la presse. L’expression « décrets super-scélérats » est utilisée pour les distinguer des « décrets scélérats » du 29 janvier 1926 en vertu desquels le résident général pouvait restreindre discrétionnairement, sur le territoire tunisien, les libertés de presse, d’association et de réunions, aussi bien celles des autochtones que celles des Européens.
([4]) – Le même auteur rapporte à propos du Parti Néo-destourien de Habib Bourguiba : « Le néo-destour […] n’hésitait pas à recourir à la violence armée pour supprimer ses adversaires ». Dissimulant une « […] ambition totalitaire, alors bien répandue parmi tous les dirigeants nationalistes, les futurs néo-destouriens se lancèrent [en 1934] dans une compagne avec l’objectif de conquérir l’appareil du parti en faisant fi du statut et des usages de fonctionnement du parti ». En dehors de toute légalité — précisait-il — « ils réunirent le congrès de Ksar Hellal et prononcèrent l’exclusion collective de tous les membres de la commission exécutive. Poursuivant leurs objectifs, ils usèrent de la violence pour empêcher toute activité du vieux Destour […] » Cf. Moustapha Kraiem : « Déstructuration socio-culturelle et émergence du pluralisme politique en tunisie pendant la période coloniale ». P. 113 et 114. In Pluralisme social, pluralisme politique et Démocratie. Tunis, C.E.R.P., éd. céres, série sociologie, n° 19, 1991, p. 107 à 124.
([5]) – Cette dissimulation, cependant, n’empêchait pas H. Bourguiba de semer les ferments de l’unanimisme. Ces ferments on les retrouve dans de nombreux discours relatif à la nation : « Nous sommes une nation unie, dont les membres — déclarait Bourguiba — se soutiennent comme les pierres d’un même édifice » (Discours, Téboulba, 4 juillet 1955, in Habib Bourguiba : Citations Choisies par l’Agence Tunis-Afrique-Presse. Tunis, Dar el ‘Àmal, 1978, p. 47 ). Le même orateur précisait ultérieurement « ce que nous voudrions surtout inculquer, c’est un sentiment d’appartenance à la même famille qui puisse s’étendre à la nation toute entière et servir de ciment à l’unanimité » ( Discours, Tunis le 10 juillet 1958, in Habib Bourguiba : Citations Choisies… Op. cit., même page ). C’est une nation dont le régime cherche à se caractériser par une stabilité résultant de « l’harmonie qui règne entre le peuple, ses dirigeants et ses cadres » (Discours, Makthar le 9 août 1957, Citations Choisies… Op. cit., p. 79 )
([6]) – Habib Bourguiba : Discours à Tataouine le 18 juin 1956. Extrait reproduit dans Habib Bourguiba : Citations Choisies par l’Agence Tunis-Afrique-Presse. Tunis, Dar el ‘Àmal, 1978, p. 187.
([7]) – Habib Bourguiba : Discours à Tunis le 1er avril 1960. Extrait reproduit dans Habib Bourguiba : Citations Choisies… Op. cit., même p. 80.
([8]) – Loi n°59-154 du 7 novembre 1959. J. O. R. T, 1959, p. 1534 à 1536.
([9]) – Cf. Dali Jazi : Les rapports entre l’État et le citoyen dans la Tunisie indépendante : Le problème des libertés publiques. Thèse droit, Paris II, 1982, p. 344.
([10]) – En fait cette organisation provisoire des pouvoirs devait prendre fin le 1er juin 1959 date de la promulgation de la Constitution. S’il n’en fut pas ainsi c’est parce que la Constitution promulguée déférera sa propre entrée en vigueur jusqu’à cette date.
([11]) – À ce propos, le passage de la thèse de Dali Jazi mérite d’être cité in extenso : « En compulsant le Journal Officiel — écrit l’auteur — on découvre une série d’éléments surprenants :
— Le n° 57 du J. O. R. T des 17 et 20 novembre 1959 porte publication de quatre lois en date du 7 novembre 1959 ;
— Le n° 62 des 15 et 18 décembre 1959 publie une autre loi datée du 7 novembre 1959, réglementant la profession d’avocat ;
— Le n° 63 du 22 décembre 1959 a publié la loi relative aux associations.
Il est curieux de voir que toutes ces lois portant la date du 7 novembre 1959 n’aient pas été publiées en même temps, alors que le J. O. R. T est publié au moins une fois par semaine. Il ne saurait s’agir d’un simple problème d’exécution technique. En effet, les numéros du J. O. R. T., de 58 à 61, ont publié des textes de décrets et d’arrêtés correspondant à leurs dates respectives, c’est-à-dire ultérieurs à la loi sur les associations qui ne sera publiée que dans le numéro suivant. Plus même, le numéro 63 publie, outre la loi relative aux associations, des décrets et des arrêtés des 21 et 22 décembre 1959, c’est-à-dire des actes pris, théoriquement, quarante-cinq jours après ladite loi […]. Cette publication tardive — quarante-cinq jours — fait douter de l’authenticité de sa date.
Quoi qu’il en soit, et à supposer que cette date du 7 novembre soit réelle, le fait que le Président de la République ait prit cette loi in extremis, le dernier jour de l’organisation provisoire des pouvoirs publics, signifie qu’il a voulu faire échapper l’organisation de cette liberté publique importante aux débats de la nouvelle Assemblée Nationale qui allait être élue le lendemain. Sinon comment expliquer cette précipitation alors que l’assemblée allait tenir sa première réunion le 19 novembre 1959 ? Comment expliquer cette urgence qui ne peut attendre une douzaine de jours pour prendre une loi qui dispose en son article 33 qu’elle ne prendra effet qu’à compter du 1er juin 1960 ? » Dali Jazi, op. cit. p. 348 et 349.
([12]) Cf. Abdelfattah Amor : Le régime politique tunisien. Thèse droit, Paris II, 1973, p. 194. Cité par Michel Camau, Fadila Amrani et Rafaâ Ben Achour : Contrôle politique et régulations électorales en Tunisie. Tunis, C. E. R. P.,/C. R. E. S. M., Edisud/imprimerie Officielle de la République tunisienne, 1981, p. 144.
([13]) – Après la promulgation du décret du 24 juin 1969 le Cheikh devenant « omda » « […] sera nommé par arrêté du secrétaire d’État à l’Intérieur parmi les membres de comité de cellule du Parti socialiste destourien ».
Cf. Béchir TÉkari : Du cheik à l’omda. Institution locale traditionnelle et intégration partisane. Tunis, Imprimerie officielle, 1981, p. 36.
([14]) – Si bien qu’aux élections législatives du 1er novembre 1981, le P. S. D présentera des listes communes avec U. G. T. T.
([15]) – Cf. l’intégralité du discours in « Dialogue », hebdomadaire tunisien en langue française, n° 372 du 19 octobre 1981, p. 35 à 42.
([16]) – À propos de la pénible quête du MDS pour obtenir sa légalisation, voir M. Camau, F. Amrani et R. Ben Achour : Contrôle politique et régulations électorales en Tunisie. Tunis, op. cit, p. 145.
([17]) – Cf. Paul Balta, Le Monde du 4 novembre 1981, p. 4.
([18]) – Cf. Paul Balta et Michel Deuré in Le Monde du 3 novembre 1981, p. 3.
([20]) – Mohamed Mzali : Lettre ouverte à H. Bourguiba. Paris, éd. Alain Moreau, 1987.
([22]) – Pour plus de chiffres relatifs à ces élections, voir Le Monde du jeudi 5 novembre 1981, p. 4.
([24]) – Cette manifestation n’avait aucune connotation de soutien politique au Colonel Kaddafi, surtout qu’à cette époque, les Tunisiens reprochaient au régime libyen d’avoir quelques mois plutôt expulsé 35 000 travailleurs tunisiens de Libye en violation des accords bilatéraux, et en leur confisquant tous leurs biens, leurs argents et leurs passeports. Pour les Tunisiens il y avait lieu de distinguer entre le régime Libyen et le peuple Libyen qui a subi le bombardement.
([25]) – Cf. M. Mzali, op. cit.
([26]) – Cf. Le Monde 23 octobre 1986, page 4.
([27]) – Cf. Michel Deuré et Jean de la Guerrivière in Le Monde du 1er novembre 1986, p. 4.
([28]) – Michel Deuré et Jean de la Guerrivière : Idem.
([29]) – Si bien qu’en 1988, le nombre des Tunisiens souhaitant le « départ de Bourguiba » atteindra les 87 %. Cf. le sondage effectué par la SOPRESS in : – Le Maghreb n° 126 du 11 novembre 1988 (hebdomadaire tunisien) ; ou encore : Le Renouveau du dimanche 6 novembre 1988 ( quotidien tunisien ), p. 6 et 7.
([30]) – Z. Ben Ali, interview accordée à André Fontaine, Jacques Amalaric et Michel Deuré, publiée par le journal Le Monde du 10 septembre 1988 et reprise par une publication du ministère de l’information, Tunis/S. A. G. E. P., 1988, p. 5.
([31]) – Cf. Jeune Afrique ( mensuel indépendant international ), n° 81, juin 1996, p. 43.
– Discours d’ouverture du Congrès du Salut du 29 juillet 1988, publication du ministère de l’information, Tunis/S. A. G. E. P., 1988, 42 pages ;
– Discours de clôture du Congrès du Salut du 31 juillet 1988, publication du ministère de l’information, Tunis/S. A. G. E. P., 1988, 10 pages ;
– Discours du premier anniversaire du 7 novembre 1988, le Bardo, le 7 novembre 1988, publication du ministère de l’information, Tunis/S. A. G. E. P., 1988, 18 pages ;
– Interview accordée à André Fontaine, Jacques Amalaric et Michel Deuré, op. cit
([33])- Cf. Discours du 1er anniversaire du 7 novembre 1987. Bardo, 7 novembre 1988. Op. cit., p. 5.
([34]) – Loi organique n° 82-32 du 3 mai 1988, J. O. R. T n ° 31 du 6 mai 1988, p. 703 à 705.
([35]) – Voici le tableau des résultats détaillés. Pour dresser le tableau suivant, nous avons utilisé la publication de la décision du conseil constitutionnel ( consultatif ) validant l’élection de Ben Ali, et reproduite en annexes de l’ouvrage de Zouhir Mdhaffar : Le Conseil Constitutionnel. ( en arabe ) Tunis, Imprimerie officielle, 1993, p. 209 et 210.
-Inscrits : 2 806 386;
– votants : 2 137 216;
– Bulletins nuls : 15 512
– Suffrages exprimés : 2 121 704;
Candidat : Z. E. Ben Ali
– Suffrages obtenus : 2 121 704
– % des suffrages exprimés : 100 %
– % des électeurs inscrits : 99,27 %
([36]) – Le M. T. I non reconnu mais néanmoins toléré à cette époque, participera aux élections sous l’étiquette des indépendants.
([37]) – Pour le détail des résultats de ces élections, cf. Le Temps ( quotidien tunisien en langue française ) du 4 avril 1989, p. 2 et 3. À propos de la réaction des différents partis politiques et notamment à propos de la question relative aux irrégularités des opérations de vote voir :
— Jeune Afrique n° 1474 du 5 avril 1989.
— Jeune Afrique n° 1475 du 19 avril 1989.
— Le Maghreb ( hebdomadaire tunisien bilingues ) n° 146 du 7 avril 1989.
— Le Maghreb n° 146 du 7 avril 1989.
— Réalités ( hebdomadaire tunisien bilingues ) n° 192 du 21 avril 1989.
([38]) – Ce complot a été dévoilé par le ministre de l’intérieur lors d’une conférence de presse en date du 22 mai 1991. Cf. tous les éléments de ce complot tels que dévoilés par les autorités tunisiennes in La Presse ( quotidien tunisien en langue française ) du 23 mai 1991, p. 4.
Voir également l’article de la livraison du 25 mai 1991 du même quotidien progouvernemental en p. 3 sous le titre « les aveux d’un officier félon ».
Pour les conditions de détention des accusés de ce complot, la nature des charges retenues contre eux, le déroulement du procès et la nature de la juridiction devant laquelle les accusés ont été jugés, voir le rapport de « Reporters sans frontières » ( « Le procès du "complot islamiste" » ) sur son site internet :
([39]) – Cf. Ignacio Ramonet : « Main de fer en Tunisie ». In Le Monde diplomatique, n° 508, juillet 1996, en première page.
([40]) – « Pour avoir simplement exprimé son intention de se présenter contre Ben Ali à l’élection présidentielle — écrit Ignacio Ramonet —, M. Moncef Marzouki, médecin de renom et président de la ligue tunisienne des droits de l’Homme […] a été arrêté arbitrairement et incarcéré pendant quatre mois. Les représailles se sont étendues à sa famille et à ses proches : son frère à été condamné à quinze mois d’emprisonnement, son neveu à trente mois, et l’un de ses défenseurs, M. Néjib Hosni a lui-même été condamné à huit ans de réclusion… ». Cf. Ignacio Ramonet : « Main de fer en Tunisie ». Le Monde diplomatique. Op. cit.
([41]) – Selon un système électoral mixte combinant :
– un scrutin majoritaire à listes bloquées pour 144 députés ( dans chacune des 25 circonscriptions, l’électeur choisit une liste de candidats sans remplacer les noms qui y figurent ). Tous les sièges de la circonscription sont attribués à la liste ayant obtenu le plus de voix.
– et un scrutin à la proportionnelle selon la méthode de la répartition à la plus forte moyenne pour les 19 sièges restants, attribués aux partis qui ont essuyé un échec dans les circonscriptions. Le siège est remporté par le candidat inscrit en tête de la liste concernée telle que présentée au moment du dépôt des candidatures.
([42]) – Le 23 avril 1993 le P. C. T devient le Parti Ettajdid ( Parti de la Rénovation ).
([43]) – cf. le recensement de tous ces cas ( entre 1990 et 1991 ) par Larbi Chouikha, Kamel Labidi et Hassen Jouini : « État de la liberté de la presse en Tunisie de janvier 1990 à mai 1991 ». Pages 95 à 101. in L’information au Maghreb. Collectif, sous la direction de Wolfgang S. Freud. Tunis, Cérès Productions, 1992, p. 94 à 106.
([44]) – Cf. Larbi Chouikha, Kamel Labidiet Hassen Jouini : Op. cit., p. 101 à 104
([45]) – Prèsde160 000FF, ce qui est dérisoire par rapport au prix que coûte une seule saisie.
([46]) – Cf. L. Chouikha, K. Labidi et H. Jouini : Op. cit., p. 104.
([47]) – Cf. Zouheir Ben Hamed : La renaissance de la presse périodique d’opposition en Tunisie ( 1977-1983 ). Thèse de doctorat de troisième cycle, Paris II, 1985.
([48]) – Cf. Patrick Baudouin : « L’évolution récente de la situation des droits de l’homme en Tunisie ». Intervention du Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme ( FIDH ) le 2 juillet 1996 devant la Sous-commission des droits de l’Homme du Parlement Européen. In La lettre Hebdomadaire de la Fédération internationale des Ligues Droits de l’Homme. N° 647-648, 11-18 juillet 1996, p. 8 et 9.
([49]) – En fait ces scandales sont un signe d’une démocratie en bonne santé, car montrent la détermination de la société à faire en sorte que les agissements incriminés ne soient plus en mesure de se reproduire.
([50]) – À cet égard nous pouvons mentionner un exemple français tout à fait significatif. François Mitterrand concéda en 1984 un pan entier du domaine public hertzien à « canal plus ». Cette concession a été faite dans des conditions troublantes au regard du droit. Le concessionnaire fut choisi discrétionnairement et sans aucun appel d’offre. La procédure suivie montre un président de la République disposant du domaine public tel que nombre de ses homologues africains ont coutume de le faire. Cette entorse française au Code des marchés publics fut parfaitement tolérée par l’opinion publique, étant donnée la nature immatérielle, pour le commun des citoyens, du bien public concédé.
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