histoire 88

Appartenir à Dhiba et Ben Guerdane, entre emblèmes et stigmates

Lorsque l’on interroge les habitants de Dhiba et Ben Guerdane sur leur perception du Sud tunisien, région à laquelle ils revendiquent appartenir, c’est la « marginalisation » tahmîch qu’ils évoquent en premier lieu. La forte perception de l’exclusion transcende les générations et le genre, même si elle est plus aiguë chez les jeunes chômeurs. Elle confirme l’affermissement, depuis la chute de Ben Ali, du tahmîch comme catégorie cognitive structurant la façon dont les populations rendent compte d’elles-mêmes, dans l’ensemble des territoires urbains et périurbains relégués dans le pays, à l’instar des quartiers populaires du Grand-Tunis ou du gouvernorat de Kasserine, à la frontière avec l’Algérie.

« Mnēmē » de Nidhal Chamekh : l’art par temps de détresse

Se faire le chiffonnier de la mémoire des luttes. Nidhal Chamekh ne recule décidément plus devant cette tâche qu’il s’est fixée depuis « De quoi rêvent les martyrs ? » (2011). Mais à quel temps décline-t-il cette mémoire dans « Mnēmē », son exposition à Selma Feriani Gallery (29 octobre – 12 novembre 2016) ? D’une main, il ramène la virtuosité du dessin à un principe de délicatesse. De l’autre, il accorde la rémanence des formes et des luttes au retour du refoulé, où l’image se peuple de fantômes. Entre deux mains qui s’alternent, c’est la pratique du montage qui permet à Nidhal Chamekh de prendre la mémoire à rebrousse-poil.

De quoi le « surmusulman » est-il le nom ?

Encore une fois, l’islam se confesse. En s’allongeant sur le divan rouge écarlate de la psychanalyse, à quoi pense-t-il ? Aucune de ses associations dites « libres » ne semble spontanée pour l’oreille de Fethi Benslama. S’il n’est sans doute pas le seul à avoir pris la température du sujet de l’islam, l’auteur d’« Un furieux désir de sacrifice » livre un diagnostic sans détour : l’islamisme vomit ses déchets sur le mode de la surenchère identitaire. Le « surmusulman » en est le produit alarmant.

Les Arabes sont-ils «en retard» ?

« Nous, les Arabes, nous sommes en retard », soupirons-nous depuis plus d’un siècle. Des flots de larmes impuissantes inondent les colonnes de nos journaux. Une véritable diarrhée lacrymale. Et nous demandons à l’Europe qui rigole en douce de nous tendre la main : « Nous, les Arabes, nous sommes en retard. Soyons modernes ! ». En fait nous passons notre temps à courir pour rattraper un train qui est derrière nous. L’Europe n’est pas notre avenir ; elle est notre passé.

Protectorat 1881, un film à double hélice

L’histoire se répète, dit-on. Cela risquerait pourtant de devenir lassant. Avec son long-métrage « Protectorat 1881 », il s’agit pour Tarek Ibrahim d’exorciser, sous la forme d’un docufiction à bases d’archives, l’histoire de la mainmise coloniale sur la Tunisie et les premiers balbutiements de la résistance populaire. « Protectorat 1881 » a-t-il pourtant davantage à offrir qu’une histoire à rebrousse-poil ?

Bourguiba, la statue et l’érotique du système

Sous le signe de la reconnaissance, le retour de Bourguiba se prépare à coups de liftings médiatiques. Et s’il s’agissait, contrairement à ce que l’on pouvait croire, de mettre le corps politique du leader au service d’un fantasme pervers, d’une érotique du système ? Pour mettre un langage paresseux à la hauteur de sa statue équestre, ce n’est peut-être pas Don Quichotte qui nous manque.

L’Abécédaire « soft » de la révolution. Notes sur l’ouvrage de Hédia Baraket et Olfa Belhassine

Que peuvent bien avoir en commun des expressions comme « Complot », « Houmani », « Sit-in», « Dérapage sécuritaire » ? Existe-t-il un point commun entre une rengaine qu’on aime se chanter, un slogan qui sentirait le souffre et un mot d’ordre qui circule plus vite que la rumeur ? Quel rapport peut-il y avoir entre des expressions telles que « Résidu de la francophonie » et « Feuille blanche », ou des signifiants aussi intrigants que « Prestige et autorité de l’État », « Âne national », et « Sniper » ?

Caid Essebsi sur les pas de Louis XVIII

Caid Essebsi avait déjà été parachuté au Palais de la Kasba, au Printemps de 2011. Comme fut parachuté Louis XVIII par Talleyrand, à l’issue du Congrès de Vienne, au Printemps de 1814. Ce fut la Première Restauration et pour Caid Essebsi, sorti des oubliettes, et pour le Comte de Provence, de retour d’un long exil. La Première Restauration échoua. Et, Louis XVIII jura, tel que Caid Essebsi, de ne plus s’immiscer dans les affaires politiques. Mais, le revoilà reconquérir le pouvoir, suite à la cuisante défaite de Napoléon à Waterloo.

L’ultime retour des barbares

c’est la deuxième guerre du Golfe qui allait constituer le vrai champ d’expérimentation du chaos, une avant-première de la tragédie qui secoue aujourd’hui l’Afrique du nord et le Moyen Orient. Il ne s’agit plus de vaincre une armée ou de renverser un pouvoir ou même d’occuper un pays mais de détruire des états avec toutes leurs institutions et de diviser dans le sang des sociétés en dressant les groupes ethniques et confessionnels les uns contre les autres. Il faut toutefois préciser que cette gigantesque manœuvre de déstabilisation du monde arabe, cyniquement appelée « printemps arabe » s’inscrit dans une démarche dont les racines remontent bien loin dans le temps.

Les expériences constitutionnelles en Tunisie : Entre le poids de l’histoire et les défis de la réalité

C’est un moment privilégié dans l’histoire d’une nation que celui de se donner des principes fondamentaux relatifs à l’organisation des pouvoirs. Ce moment est d’autant plus important qu’il va déterminer la future image du pays qui vient de renaître de ses cendres à la suite d’une grande lutte contre la dictature couronnée par la chute du régime corrompule 14 Janvier 2011.

Pour une nouvelle conscience patrimoniale

Au sens étymologique, le mot patrimoine désigne, selon le Dictionnaire de la langue française de Paul- Émile Littré, « un bien d’héritage qui descend suivant les lois de pères et mères à leurs enfants ». Cette définition très simpliste qui remonte au 1866 ne traduit pas la réalité compliquée du concept qui devint de plus en plus composite.

La Révolution, l’Histoire et la Mémoire

La Révolution tunisienne était le résultat d’un long processus qui se présente comme une métamorphose profonde qui a marqué notre quotidien. De ce point de vue, une lecture psychanalytique de ce grand moment s’impose avec beaucoup d’acuité pour ne pas se limiter à une approche descriptive car on n’est pas encore habitué à parler de la mémoire collective, même par métaphore.

La phénoménologie de l’État : Essai d’interprétation et d’explication historique

La structure politique convenue d’être nommée ou appelée « l’État moderne », et qui est nettement opposée au modèle théologique ou monarchique qu’a connu le monde arabe durant des siècles de son histoire, est apparue progressivement à partir de « l’âge de la renaissance » dans les cités-états italiennes pour influencer toute la philosophie politique européenne.

La révolution tunisienne entre mémoire et histoire

Si l’histoire de la révolution tunisienne a au plan du savoir un commencement distinct, marqué par Sidi Bouzid et Kasserine, voir des origines plus anciennes et plus symboliques comme les événements du bassin minier de Gafsa, ses problèmes majeurs d’écritures, et, pour le dire d’emblée, ses difficultés, ses embarras, lui viennent de plus loin. À ce niveau on peut constater l’existence d’un triple héritage