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« Prestige de l’État », concept malléable aux accents autoritaires

Où en est le prestige de l’Etat (haybet ad-dawla) ? Où en est cette promesse d’un retour à l’ordre qui a été la principale raison de l’élection de l’actuel président de la République fin 2014 ? Les réactions à une éventuelle prorogation du mandat de l’IVD et celles au scandale des syndicats policiers au tribunal de Ben Arous, en disent long sur les partisans de ce slogan politicien et sur son essence.

Gouvernance en Tunisie : simulacre, amateurisme et autres aberrations

Le 7 février 2018, la Commission européenne inscrit la Tunisie sur la liste des pays tiers fortement exposés aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Un coup de massue bien utile dans cette atmosphère de stagnation politique morbide. Entre la course acharnée au fauteuil, les ravages impunis du passage par les urnes de l’islam politique à travers la troïka, les assassinats politiques non élucidés, les financements étrangers intraçables, la chute vertigineuse du dinar et autres défectuosités, la jeune démocratie tunisienne, 7 ans après sa révolution, n’a pas su être à la hauteur de ses engagements en matière de lutte contre la corruption et le terrorisme.

« Dunia » de Jocelyne Saab, ou la parole excisée

Il est des films réussis, dont l’intrigue comme les personnages finissent soigneusement rangés dans les tréfonds de nos bibliothèques intérieures. C’est le cas de Dunia de la cinéaste franco-libanaise Jocelyne Saab, sorti en 2006. Elle fait parler les Mille et une Nuits après des années de silence imposé, s’inscrivant ainsi dans la lignée de ce qu’on pourrait appeler les films de résistance.

Universalisme et pensée arabe: Ce que nous sommes et ce que nous pouvons faire

Imaginez un individu souhaitant bâtir une maison. Il évacue le terrain, le terrasse, délimite le futur emplacement des murs, met en place les fondations, coule le béton, etc. Imaginez, à présent, un autre individu ayant le même projet. Essoufflé, il amasse une montagne de briques et se met aussitôt à les assembler, sans aucun préalable. Caricatural, n’est-ce pas ? Et bien cet individu, c’est nous !

Le Tarmac, un théâtre victime de la théâtrocratie ?

La décision brutale, arbitraire et injuste du ministère de la Culture français est tombée comme la foudre un 31 janvier 2018 : elle condamne l’unique théâtre du pays de Molière entièrement dédié à la scène internationale francophone à une mise à mort infondée. Il s’agit même d’une déclaration de guerre en bonne et due forme puisque Françoise Nyssen, ministre de la Culture, pense qu’elle peut renvoyer une famille de sa maison pour loger une autre famille jugée plus digne d’un tel espace.

A bas le paternalisme de la démocratie libérale !

La démocratie est la pierre philosophale des temps modernes. Elle est la seule à même de transformer les sauvageons en civilisés. Ceux qui aspirent au progrès doivent impérativement commencer par aspirer à la démocratie. Le peuple qui l’accueille en son sein doit se réjouir de son salut prochain, tout en portant dans le plus grand silence la croix sur laquelle les politiciens peuvent éventuellement le crucifier. Il ne faut pas se plaindre, quand on voit la dissidence des élus censés représenter le peuple. En Tunisie, quand les gens se plaignent, on voudrait bien les fouetter pour châtier leur manque de foi en la sainte démocratie.

«Vent du Nord» : La condition ouvrière en cache-sexe de l’impensé colonial

Le film « Vent du Nord » est venu enrichir le paysage cinématographique tunisien par une approche originale ; un cinéma social traitant de la condition ouvrière en mettant en parallèle la vie et les souffrances vécues par deux ouvriers : l’un, tunisien, ayant remplacé l’autre, français, suite à la délocalisation de l’entreprise. La thèse qui sous-tend le film est simple : Le capitalisme mondialisé, par la soif jamais inassouvie de ses agents crée de la souffrance, aussi bien au nord qu’au sud. Bien que dans deux pays occupant des camps différents de part et d’autre de la domination impérialiste, le film montre une communauté de destin dans la souffrance de chacun.

Quel avenir pour les aires protégées en Tunisie ?

Les aires protégées créées en Tunisie constituent indéniablement un acquis pour la préservation de la biodiversité qu’elles abritent. Depuis la création de la première aire protégée en 1977 jusqu’aux plus récentes vers la fin des années 90, des leçons peuvent être tirées pour que ces espaces jouent pleinement leurs rôles en matière de conservation.

« Du vortex à l’abysse » de Khaoula Hosni… dans l’œil panoptique

« Du vortex à l’abysse » est le nouveau livre de Khaoula Hosni. C’est le deuxième volume de la trilogie Into The Deep, paru en novembre 2017. Une œuvre généreuse, présentée par son auteure comme une histoire rocambolesque, pleine de suspense et riche d’action. Et de la même manière que l’auteure parle dans le livre, de ses goûts et ses dégoûts, le lecteur le lit toujours d’un certain point de vue subjectif avec des affinités d’ordre philosophique ou social. Comment lire d’un certain point de vue ce beau roman et occulter toute la subtilité qui se cacherait au fond de l’œuvre ?

« Taste of Cement » de Ziad Kalthoum : Est-ce ainsi que les Hommes vivent ?

Projeté mardi dernier au Cinémadart, « Taste of Cement » est un objet cinématographique hybride, à la fois documentaire sur la situation des ouvriers syriens en exil au Liban et essai filmique qui construit une proposition esthétique et philosophique sur la condition humaine. Il est surtout un poème visuel dont la force émane d’un travail sur l’opposition entre des couples de contraires : les hommes et la matière ; la vie et la mort ; la guerre et la paix ; l’élévation dans les cieux d’un chantier en construction et la descente dans les bas-fonds d’un monde délibérément caché aux regards, celui de ces travailleurs auxquels l’Etat libanais interdit de circuler dans la ville à la nuit tombée.

«Forgotten» de Ridha Tlili: La représentation, un enjeu politico-esthétique

Forgotten de Ridha Tlili a été tourné sur trois ans, de 2013 à 2016 : la démarche, rare dans le cinéma documentaire tunisien, est celle d’un accompagnement des personnages dans la durée et la proximité. Il en résulte une impression d’immersion dans des parcours marqués du sceau de la marginalisation et de la crise d’une démocratie naissante qui peine à faire une place à des citoyens oubliés par les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance. Le souci du temps long dépasse l’attention qu’accorde le cinéaste à l’existence des quatre jeunes qu’il suit et accompagne pour scruter les points aveugles des politiques de développement et les territoires en proie à un oubli institutionnalisé. Forgotten sera projeté mardi 13 février à 19h30 au CinéMadart.

Manich Msamah : Retour critique sur un moment politique

Ce retour critique que je prends l’initiative de faire sur la campagne de Manich Msemah, a pour objectif de contribuer à faire le bilan d’un moment politique qui s’inscrit dans une conjoncture complexe, marquée par l’échec d’une tentative de révolution et par un constat aujourd’hui non discutable, l’incapacité des forces politiques en scène à mener un processus de changement véritable ou même à faire obstacle à une contre-révolution rampante.

«Statut de l’artiste»: consécration du corporatisme et atteinte à la liberté d’expression

Adopté par le Conseil des ministres le 6 décembre 2017 et soumis récemment à la Chambre des députés, le projet de loi relatif à l’artiste et aux métiers artistiques suscite, à fortiori, beaucoup de réactions. Appelé à tort « statut de l’artiste », il était censé répondre aux aspirations des artistes dont beaucoup étaient à l’avant-garde de la révolution du jasmin. Il n’en est malheureusement rien, car au lieu de leur octroyer des avantages tangibles et de protéger concrètement leur liberté de création, ce projet de loi est venu consacrer, d’un côté, un corporatisme centralisé, et donner, de l’autre côté, au ministère de la Culture un pouvoir qu’il ne doit plus avoir depuis l’adoption de la Constitution de 2014.

Arts en Tunisie: la création asservie par l’establishment culturel

Il n’est pas anodin que Ben Ali ait voulu bâtir la Cité de la Culture dans les propensions et l’architecture que l’on connaît. C’est enfin dans l’ordre des choses que cette immondice soit achevée alors que celui qui était chargé par Ben Ali de l’achever sans jamais réussir à le faire à ce moment-là, Mohamed Zinelabidine, est aujourd’hui ministre de la culture. Ce n’est point une ironie de l’histoire : c’est la résultante de la lâcheté, de la compromission et de l’embourgeoisement généralisés de l’élite artistique et intellectuelle du pays.