Justice transitionnelle 59

Réconciliation pénale: d’un processus phantasmé à un texte aux multiples failles

Nul ne doute que le processus par lequel le décret-loi n° 2022-13 du 20 mars 2022, portant sur la réconciliation pénale et l’affectation de ses ressources fut élaboré, n’est que la continuité du cheminement entrepris par le Président de la République, à savoir l’éviction des corps intermédiaires avec lesquels tout processus d’élaboration d’un texte d’une telle importance doit passer.

Cinéma : « Angle mort » de Lotfi Achour, nécessaire brûlot

C’est sans doute l’un des meilleurs documentaires de la décennie : animé, au propre comme au figuré, «Angle mort» de Lotfi Achour fait revenir Kamel Matmati de loin pour démonter le scénario de sa disparition forcée, en remontant les pièces d’une vérité privée d’archive. Ce film a été primé par la 44ème édition du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, qui s’est tenue du 27 janvier au 4 février 2022. Lecture.

Femmes en postes de responsabilité : loin de la figurante… la sorcière

Le féminisme d’Etat affiché comme faire valoir démocratique avait pour corollaire un sexisme anti-femme pratiqué à une large échelle dans la vie publique et distillé régulièrement dans les journaux contrôlés par les officines du ministère de l’Intérieur. A l’intérieur de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), certains membres masculins avaient du mal à accepter une femme à leur tête. Le délit d’indépendance est celui qu’on pardonne le moins. J’en ai fait l’expérience.

La fausse solution du présidentialisme : crise de système ou de gouvernance ?

Le 22 septembre 2021, le Président de la République a promulgué un décret où il annonce une nouvelle organisation des pouvoirs publics qui bouleverse l’ordre constitutionnel et place le décret présidentiel au-dessus de la constitution, inversant ainsi la hiérarchie de la pyramide institutionnelle. « Au nom de la Constitution, à bas la Constitution »,pourrait-on résumer ce décret présidentiel qui ne souffre aucune ambiguïté quant à la volonté de liquider les acquis institutionnels de la révolution et d’établir un pouvoir absolu sans aucun garde-fou.

Données personnelles: Réponse des membres de l’IVD aux accusations de Gaddes

Il est regrettable qu’une question qui représente un enjeu majeur pour les garanties de non répétition des violations du passé, comme la question de la préservation de la mémoire, devienne prétexte à règlements de comptes et de remise en cause de l’expérience tunisienne en justice transitionnelle. Cette tentative de disqualification des travaux de l’IVD à laquelle s’est prêté le président de l’Instance nationale de protection des données personnelles (INPDP) Chawki Gaddes ne peut que paver le chemin aux multiples projets de « réconciliation » qui nous sont resservis aujourd’hui encore, en guise d’alternative au processus de redevabilité judiciaire en cours. Mais le plus grave est que l’argumentaire avancé par M. Gaddes se base sur des contre-vérités dont nous allons ici démontrer le caractère fallacieux.

Biens tunisiens mal acquis à l’étranger : Kais Saied s’empare du dossier

Dix ans après la Révolution, l’Etat tunisien n’est toujours pas parvenu à récupérer les biens existants à l’étranger. En dépit de l’arsenal juridique créé à cet effet, le bilan est toujours en deçà des attentes. Sans égard pour les instances déjà en place, le président de la République a promulgué, le 22 octobre, un décret portant création d’un comité relevant de l’institution de la présidence pour recouvrir l’argent et les biens existants à l’étranger. Cette initiative n’est pas passée inaperçue.

Justice transitionnelle : liste contestée et processus inachevé

Après un pingpong entre la présidence de la République, le gouvernement et autres coalitions associatives et instances concernées par le processus de la justice transitionnelle, la liste nominative des martyrs et blessés a été mise en ligne, le 8 octobre 2019, sur le site de la commission des martyrs et blessés de la révolution, sans être publiée dans le Journal Officiel de la République Tunisienne (JORT).

Ahmed Friaa, larmes et indécence

C’est sans conteste le fait politico-médiatique de la semaine : Ahmed Friaa, le dernier ministre de l’Intérieur de Ben Ali, renvoyé devant la Chambre spécialisée en justice transitionnelle du tribunal de première instance de Tunis, dans l’affaire de la rue de Cologne, s’est vu signifier une interdiction de voyager. La procédure, banale pour une justice habituée à recourir un peu trop vite aux mesures de restriction des libertés, a fait l’effet d’une bombe auprès de la Tunisie d’en haut.

Révolte de Gafsa & Justice transitionnelle: La portée symbolique ne suffit pas

Le mercredi 26 septembre a été un jour particulièrement important au tribunal de première instance de Gafsa. L’émotion était à son comble quand les militants et les meneurs de la révolte du bassin minier de Gafsa, en 2008, sont entrés dans la salle d’audience où ils avaient été roués de coups, jugés de façon inique et condamnés, il y a presque 10 ans jour pour jour. Mais cette fois, ils sont entrés par la porte principale, en tant que victimes attendant de voir condamnés les auteurs de ces actes, et non en tant que prévenus accusés de comploter contre l’État. Leur seul crime en 2008 ? Avoir osé manifester pacifiquement contre ce qu’ils considéraient comme des pratiques déloyales en matière d’embauche, du népotisme et un manque de transparence de la part de la Compagnie des phosphates de Gafsa, une entreprise détenue par l’État et le principal (voire le seul) employeur de la région.

Dans les manuels scolaires, l’Histoire de la Tunisie s’arrête en 1964

En 2011, les photographies, les extraits de discours étudiés dès l’école primaire, et tout le contenu relatif à Ben Ali disparaissaient du programme d’enseignement de l’histoire et de l’éducation civique, laissant blanches des pages et des pages des manuels scolaires. En 2015, c’est une leçon couvrant la période de l’histoire nationale entre 1964 et 1987 qui a été à son tour expurgée. Le ministère de l’Education promettait d’ores et déjà des réformes, et entre-temps, les travaux de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) sont passés par là. Mais qu’en est-il vraiment aujourd’hui ? Quel discours historique apprennent désormais les élèves ?

Médias & justice transitionnelle: du rebranding des Ben Ali au bashing de l’IVD

Motivés par convergence d’intérêts politiques et économiques, course à l’audimat ou connivences sociales et culturelles, les principaux médias dominants en Tunisie ont adopté une attitude hostile à la justice transitionnelle. Valorisant l’événementiel au détriment du mémoriel, favorisant le bashing de la justice transitionnelle la réduisant en projet individuel et prônant l’adoption d’un projet de loi présidentiel contre l’imputabilité, leur traitement médiatique a tourné le dos aux enjeux de la vérité, l’impératif de la réparation et la nécessité de la réforme.

Interview avec Sghaier Salhi: Les non-dits de la Tunisie postindépendance

Sghaier Salhi est l’auteur d’un ouvrage publié en 2017, aujourd’hui épuisé, intitulé « Le colonialisme interne et le développement inégal : le système de marginalisation en Tunisie comme modèle » (en arabe). Il y démontre le caractère systémique des inégalités de développement entre les régions en Tunisie, arguant qu’une partie du pays colonise l’autre partie. Nous avons souhaité discuter avec Sghaier Salhi des tensions entre le récit national tunisien et les mémoires particulières de certaines régions et groupes sociaux, à l’heure où l’Instance Vérité et Dignité (IVD) est attaquée par des historiens et des politiciens pour son traitement de l’histoire de l’indépendance.

Psycaricatures de -Z- : Béji Caïd Essebsi

Le président tunisien Béji Caid Essebsi, maître d’œuvre de la loi sur la réconciliation, espère donner le coup de grâce à la justice transitionnelle, tandis que des attaques tous azimuts sont orchestrées contre l’Instance Vérité et Dignité. Notre psycaricaturiste, –Z- qui a sondé la psyché présidentielle, révèle les dessous mauves de la manœuvre. Gare aux miasmes, car encore une fois, la psychologie des profondeurs risque plus que jamais de drainer les égouts du passé.