Droits des Femmes 114

« L’Amour des hommes » de Mehdi Ben Attia : regards inversés

Sans rien renier de ses deux précédents films, Mehdi Ben Attia poursuit avec « L’Amour des hommes » sa quête de désirs fragiles et de corps qui se cherchent. C’est une histoire de regards inversés entre une jeune photographe tunisienne et ses jeunes modèles masculins. Sauf qu’en renversant le schéma iconoclaste de ce rapport de force, bonne idée du reste, la caméra cherche à se caler moins aux côtés des personnages qu’à leur place. Le film est en salles depuis sa sortie le 11 avril 2018.

Reportage au Cap Bon : Pas de chance pour le zhar

Entre mi-mars et mi-avril, les bigaradiers sont en pleine floraison. Comme chaque année au Cap Bon, les femmes s’activent pendant une trentaine de jours pour la cueillette du zhar, la fleur d’oranger bigarade. Si les petites récoltes familiales sont transformées à la maison en eau florale selon les traditions, 80% de la récolte régionale est livrée aux unités industrielles pour en extraire la très précieuse huile de néroli. Alors que la fleur d’oranger est la plus ancienne plante aromatique et médicinale traitée par les Tunisiens, seuls les grands transformateurs profitent d’un marché en plein essor.

Centres de planning familial : La pilule ne passe plus

Une centaine d’employées des centres de planning familial régionaux, venues principalement de Kasserine et Gafsa, ont manifesté mercredi 14 mars au siège de l’Office National de la Famille et de la Population (ONFP) à Tunis. Contractuelles, elles protestent contre leurs conditions de travail en dégradation permanente. Une colère révélatrice des dysfonctionnements internes qui affectent directement l’accès à la santé reproductive des femmes dans le Centre et le Sud de la Tunisie et reflète le manque de stratégie et de stabilité au sein de l’ONFP.

« Dunia » de Jocelyne Saab, ou la parole excisée

Il est des films réussis, dont l’intrigue comme les personnages finissent soigneusement rangés dans les tréfonds de nos bibliothèques intérieures. C’est le cas de Dunia de la cinéaste franco-libanaise Jocelyne Saab, sorti en 2006. Elle fait parler les Mille et une Nuits après des années de silence imposé, s’inscrivant ainsi dans la lignée de ce qu’on pourrait appeler les films de résistance.

« L’exception tunisienne », impasse de la lutte féminine contre le patriarcat

La décision émiratie d’interdire les femmes tunisiennes d’entrée sur leur sol a suscité une immense vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Nombreux sont celles et ceux qui protestent à corps et à cris sur l’honneur bafoué de la femme tunisienne. Les réactions, souvent chauvines voire xénophobes, révèlent à quel point les femmes en Tunisie sont encore prises en otages par le nationalisme. La rhétorique de « l’exception tunisienne » tant mobilisée ces derniers jours, porte en elle tout ce qui fait l’impasse des femmes tunisiennes dans leur lutte contre le patriarcat.

Pourquoi je n’ai pas aimé « El Jaïda » de Salma Baccar ?

J’ai pu assister la semaine dernière à la projection du film El Jaïda de Salma Baccar actuellement projeté dans plusieurs salles de cinéma de la capitale. Sarcastique, j’ai écrit sur ma page Facebook : « j’aurais aimé que le film soit appelé « c’est ça le vrai Bourguibisme » au lieu d’être appelé El Jaïda ». Beaucoup de mes amis ont cru que c’est une position « politique ». Certains ont pris mes propos pour un anti-bourguibisme primaire. D’autres ont interprété cela comme étant une position contre la réalisatrice.

« El Jaïda » de Salma Baccar : une grosse panne de point de vue

Occupé à chercher ses raisons dans l’histoire, El Jaïda joue au portrait de groupe. La réalisatrice Salma Baccar fait ici récit de quatre destins croisés, huit mois avant l’indépendance, pour dépoussiérer le regard sur Dar Jouad, une ancienne institution de correction et de rééducation des femmes. Sujet à une grosse panne de point de vue, ce film actuellement en salle s’oublie vite. Il noie son propos dans une savonnade progressiste à deux doigts de l’insipide.

Abrogation de la circulaire de 1973: Paroles présidentielles sans actes gouvernementaux

Dans son discours à l’occasion de la journée nationale de la femme le 13 août dernier, Béji Caïd Essebsi a, entre autres, lancé un appel au chef du gouvernement Youssef Chahed et au ministre de la justice Ghazi Jribi pour abroger la circulaire du 5 novembre 1973 interdisant à une musulmane d’épouser un non-musulman. Trois semaines plus tard, qu’est-ce qui a été concrètement fait ?

Egalité à l’héritage : repenser les termes du débat

La seule question véritable concerne le paradigme dans lequel le problème est posé. En l’occurrence, le paradigme de l’égalité qui n’est jamais interrogé sinon dans sa compatibilité avec l’identité ou la tradition, sur lesquelles les partisans de l’égalité n’ont rien à répondre sinon leur sempiternelle ritournelle sur l’« ijtihad ».

Egalité homme-femme : Le pouvoir exécutif en marge des avancées juridiques

Près de 7 ans après la révolution et 3 ans après l’élection de Béji Caïd Essebsi, élu par « un million de femmes tunisiennes », le président de la République a plaidé, le 13 août dernier, l’abrogation de la circulaire 73 interdisant le mariage d’une musulmane à un non-musulman. Il a également appelé à un débat sur l’égalité successorale. Or, jusqu’à cette date, le bilan des réformes visant l’égalité homme-femme est mince. D’autant plus que les avancées législatives n’auront que peu de sens si la volonté politique du pouvoir exécutif ne s’exprimerait pas à travers des mesures concrètes.

Edito #9 : La question féminine, sérum politique de Caïd Essebsi

Les annonces faites par le président de la République, dimanche 13 août, l’ont remis au centre du jeu politique au moment où il a commencé à devenir un acteur marginal. Dans un contexte où le parti qu’il a fondé s’enfonce dans une crise sans fin, Chahed se forge une personnalité indépendante du patriarche et Ghannouchi cherche à rappeler son poids politique, Béji Caïd Essebsi a tiré sa carte favorite : la question féminine, talon d’Achille de son allié-concurrent Ennahdha.

Le difficile combat contre des mentalités anachroniques

Les différents organes de presse, comme la plupart des observateurs et membres de la société civile sont unanimes pour saluer la nouvelle loi organique (qualifiée d’intégrale) relative aux violences faites aux femmes qui vient d’être adoptée à l’unanimité par l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) le 26 juillet 2017. On ne peut bien évidemment que joindre notre voix à la leur pour se féliciter de cette nouvelle avancée enregistrée par la Tunisie dans le domaine de la défense et de la consolidation des droits de la femme. Mais, ce faisant et pour garder un minimum de lucidité et ne pas tomber dans une euphorie démesurée, disons tout de suite que les problèmes visés par cette loi (aussi importante et précise soit elle) sont loin d’être définitivement réglés. Car si les lois sont nécessaires et indispensables, elles ne sont hélas jamais suffisantes pour éradiquer les délits et infractions auxquels elles s’attaquent.

Luttes féminines régionales & féministes de la capitale : convergence ou rupture ?

Le constat est partagé par la majorité des observateurs : les mouvements sociaux, surtout ceux menés par des femmes, sont marginalisés par l’élite établie. La divergence de leurs intérêts et les différences entre leurs ordres de priorités les séparent. Mais qu’en est-il des possibilités de convergence quand les dynamiques féministes de la capitale partagent les valeurs fondamentales revendiquées par les protagonistes des luttes sociales féminines en région ? Nawaat ouvre le débat.

Mouvements sociaux : éveil féminin contre la domination masculine

Il y a deux mois, le mouvement contestataire de Menzel Bouzaiene a connu une scission. 32 femmes ont lancé le sit-in #ManichSekta pour revendiquer leur droit au travail, loin de la domination masculine de leurs camarades. Au sit-in de Sbeitla, elles sont les plus nombreuses à se mobiliser depuis un an et demi. Idem pour celui qui a occupé le siège du gouvernorat de Kasserine début 2016. Durant la même période, à Jebeniana, des ouvrières ont occupé, seules, les locaux de la délégation durant des semaines. Malgré ces prémisses d’une sorte d’éveil féministe dans les mouvements sociaux, de nombreux obstacles restent à surmonter.

Menzel Bouzaiene : Mobilisation féminine contre l’exclusion sociale [Vidéo]

« Tais–toi ! », ont ordonné, il y a quelques mois, des hommes regroupés dans un sit-in à leur camarade quand elle a voulu prendre la parole lors d’une assemblée. À Menzel Bouzaiene, cette scène n’est pas un cas isolé. Les femmes sont quasiment exclues de l’espace public et marginalisées au sein des mouvements sociaux malgré leur capacité de mobilisation. Conscientes de la double discrimination qu’elles subissent, 32 femmes ont décidé de lancer leur propre mouvement contestataire baptisé « Manich Sekta » [Je ne me tairais pas] pour faire entendre leurs voix. Depuis plus de deux mois, elles sont en sit-in devant le siège de la délégation. Sous un soleil de plomb, elles nous ont accueillies pour nous parler de leur combat pour le travail, la dignité et l’inclusion sociale.